Méthanisation : fonctionnement, avantages et inconvénients

Mis à jour le
minutes de lecture
méthanisation

Utilisée dans le secteur de l’agriculture, mais également dans les procédés de traitement des boues d’épuration ou encore des déchets biologiques, la méthanisation connaît un véritable essor en France depuis ces dix dernières années. Principe de fonctionnement de cette « digestion anaérobie », analyse de ses avantages et des inconvénients de son utilisation.


Fonctionnement et principe de la méthanisation

Qu’est-ce que la méthanisation ?

La méthanisation est fondée sur la dégradation (naturelle ou forcée) de la matière organique par des micro-organismes en condition anaérobie, c'est-à-dire en l’absence d’oxygène. Les secteurs agricoles, industriels, le traitement des déchets ménagers et la gestion des boues d’assainissement sont des milieux favorables au développement de ces techniques. En absence d’oxygène, la dégradation de la matière organique permet d’obtenir :

  • Un digestat : un produit humide et riche en matière organique ;
  • Du biogaz : un mélange gazeux composé d’environ 50 % à 70 % de méthane (CH4), de 20 % à 50 % de gaz carbonique (CO2) et de quelques gaz traces (NH₃, N₂, H₂S). Ce biogaz obtenu est considéré comme une source d'énergie renouvelable, car il peut être utilisé de diverses manières : sous la forme d’un combustible pour produire in fine de l’électricité et/ou de la chaleur ou être directement injecté dans le réseau de gaz naturel ou sous la forme d’un carburant : le biométhane. Le Biogaz permet un double bénéfice en valorisant les déchets organiques et en produisant également de l'énergie.

La loi de modernisation agricole de 2010. Les agriculteurs jouent un rôle essentiel dans le développement de ces procédés. Permettant la valorisation énergétique des effluents provenant de la ferme, la méthanisation est considérée depuis quelques années comme une activité agricole à part entière. La dernière loi de modernisation agricole de juillet 2010 et le décret du 16 février 2011 permettent désormais d'étendre la définition de l'activité agricole aux activités de production et de commercialisation de biogaz, d'électricité et de chaleur par méthanisation.

 

Quels déchets peuvent être utilisés ?

Avec un potentiel méthanogène variable, toutes les matières organiques, excepté la lignine, sont susceptibles d’être décomposées et de produire du biogaz. Les substrats riches en eau composés de matière organique facilement dégradables conviennent aux procédés de méthanisation.

Leurs origines sont variables :

  • Déchets agricoles : déjections animales, résidus de récolte (pailles, spathes de maïs, etc), eaux de salle de traite, etc ;
  • Déchets agro-industrielle : abattoirs, caves vinicoles, laiteries, fromageries, ou autres industries agro-alimentaires, chimiques et pharmaceutiques, etc ;
  • Déchets municipaux : tontes de gazon, fraction fermentescible des ordures ménagères, triée à la source (biodéchets) ou non (TMB), boues et graisses de station d’épuration, matières de vidange, etc. Afin de bénéficier d’une production constante dans le temps, le processus de méthanisation est particulièrement adapté à des déchets issus d’un tri ou d’une collecte sélective comme les déchets issus de l’agriculture ou de l’industrie.

La méthanisation fait-elle partie de la vision énergétique de la France ?

Les ambitions pour l'utilisation du biogaz en France sont grandes :

Ces objectifs ne peuvent cependant qu’être atteints en renforçant la mobilisation des politiques publiques. Le passage 2030-2050 nécessitera une forte augmentation du taux de gisement mobilisable pour les effluents d’élevage (en passant de 40 à 60 %) et les résidus de récoltes (de 20 à 60 %).

Le biogaz en France


Comment est organisée la filière française ?

Les projets individuels ou collectifs pour le développement de la méthanisation agricole en France, portés par les agriculteurs, sont soutenus par les Chambres d’Agriculture. Ces projets sont développés en vue notamment de développer la production du biogaz dans les réseaux de gaz naturel ou pour la production de biométhane carburant. Un réseau national de 50 experts permet d’accompagner ce type de projets en France, de l'émergence jusqu'au suivi des unités existantes et à la capitalisation de références.

Le potentiel du biogaz est largement démontré à l’échelle du territoire national. C’est dans le cadre d’une étude réalisée par SOLAGRO et INDIGGO pour le compte de l’ADEME en 2013, que les gisements potentiels de substrats utilisables en méthanisation ont été estimés en France. Ainsi, selon l'ADEME : "Composé à 90 % de matières agricoles, le gisement global mobilisable à l’horizon 2030 pour la méthanisation a été évalué à 130 millions de tonnes de matière brute, soit 56 GWh d'énergie primaire en production de biogaz".

Les technologies relatives à la filière biogaz

La méthanisation a lieu naturellement dans certains milieux clos privés d’oxygène. Ce processus est repris dans des équipements industriels, les méthaniseurs qui forment des unités dédiées à ces techniques. En fonction de l’origine des déchets et des traitements effectués sur ces derniers, la filière du biogaz peut être décomposée ainsi :

  • La méthanisation de déchets non dangereux ou de matières végétales brutes ;
  • La méthanisation de boues de stations d’épuration des eaux usées (STEP) ;
  • Le biogaz des installations de stockage de déchets non dangereux (ISDND).
Nombre d'installations - Filière Biogaz - Chiffres Club Biogaz 2018
  Méthanisation STEP ISDND Total
Cogénération 406 29 153 588
Biométhane 44 7 3 54
Chaudière 103 43 N.C 146
Total 553 79 +156 788

Comment est valorisé le biogaz ?

Le biogaz peut être valorisé de 4 manières différentes :

  • La production de chaleur : l’efficacité énergétique du biogaz est intéressante. Afin de valoriser le maximum d’énergie disponible et permettre la rentabilité de la filière, le transport doit être limité ;
  • La production d’électricité : l’efficacité énergétique est plus faible dans l’objectif de produire de l’électricité ;
  • La production combinée d’électricité et de chaleur ou cogénération est le mode de valorisation le plus courant. À l’électricité produite grâce au générateur, s’ajoute la chaleur qui peut être également récupérée. Ces dispositifs sont encouragés par une prime à l’efficacité énergétique présente dans le tarif d’achat d’électricité ;
  • En tant que carburant pour les véhicules : afin d’être utilisé en tant que carburant, le biogaz doit subir en amont une série d’étapes d’épuration et de compression. En France, les opérations se développent à peine alors que dans certains pays européens comme la Suède, l’Allemagne, la Suisse ou encore les Pays Bas, l’injection du biométhane dans des réseaux dédiés est plus fréquente.
Production annuelle de biogaz
  1ᵉʳ trimestre 2018 1ᵉʳ trimestre 2019 1ᵉʳ trimestre 2020 1ᵉʳ trimestre 2021 1ᵉʳ trimestre 2022
Nombre de sites 49 88 139 234 401 514
Production en rythme annuel 791 GWh 1,4 TWh 2,5 TWh 4,3 TWh 7 TWh 9 TWh

Chiffres clés et perspectives pour la filière du biogaz en France

Le biogaz est-il efficace pour produire de l’électricité ?

Si les besoins de chaleur sont faibles, l’ADEME recommande de transformer sur place le biogaz en électricité.

La consommation peut alors être locale ou vendue à EDF (une possibilité n’excluant pas l’autre) comme électricité verte. De plus, dans certains cas, le procédé permet de récupérer également la chaleur des groupes électrogènes (cogénération), ce qui améliore le rendement de l’opération.

Le biogaz est-il prometteur en tant que carburant ?

La production de biométhane en tant que carburant est encore au stade expérimental en France. Cependant, bien qu’il soit considéré en France en voie de développement, ce mode de valorisation commence à faire ses preuves en Europe. Utilisé comme carburant, le biogaz rejette très peu de matières polluantes pour ces moteurs à gaz et son intérêt environnemental est démontré.

Le biogaz, une énergie renouvelable. La filière du biogaz français par le développement des énergies renouvelables contribue activement aux objectifs de la transition énergétique pour la croissance verte. Cette filière permet de limiter et de réduire les émissions de gaz à effet de serre tout en développant en parallèle une économie circulaire en valorisant les digestats issus du process de méthanisation.

À l’avenir, quelles sont les nouvelles perspectives de valorisation du biogaz ?

  • La trigénération permet de coupler à une cogénération une machine frigorifique à absorption pour produire du froid (eau glacée). 2 machines sont donc placées en cascade : un cogénérateur et une machine à absorption. Les rendements ne sont pas encore très performants et les coûts d’investissement et de fonctionnement élevés. Néanmoins, plusieurs constructeurs s’intéressent à cette technologie ;
  • La production d’électricité de pointe. Certaines régions de France, comme la Bretagne ou la Provence Alpes Côte d’Azur, considérées comme « péninsules électriques », sont concernées par des difficultés d’approvisionnement électriques. Afin de mieux gérer les périodes critiques comme les heures de pointes, l’utilisation de certaines productions mobilisables à la demande comme le biogaz peut être envisagée.
 

Comment est valorisé le digestat provenant de la méthanisation ?

La valorisation agronomique du digestat dépend de plusieurs facteurs liés notamment à sa qualité :

  • La nature des déchets traités, notamment lorsqu’il s’agit de déchets ménagers ;
  • L’efficacité des collectes sélectives : soit pour sélectionner les déchets fermentescibles, soit celles visant à écarter les « indésirables » pour la méthanisation : emballages à destiner au recyclage, et déchets spéciaux à un traitement dédié ;
  • L’efficacité des tris complémentaires en usine : l’affinage du digestat humide étant particulièrement délicat, il est préférable d’introduire un déchet sans indésirables dans le digesteur (risque de colmatage). Après une éventuelle phase de maturation par compostage, les caractéristiques agronomiques et les paramètres d’innocuité du digestat sont généralement proches de celles d’un compost (ayant suivi uniquement un compostage aérobie).

Quels sont les avantages de la méthanisation ?

Selon l'ADEME, la méthanisation présente de nombreux avantages :

  • Une double valorisation de la matière organique et de l’énergie ; 
  • Une diminution de la quantité de déchets organiques à traiter et par définition, un allègement des coûts des autres filières de traitement des déchets ;
  • Une diminution des émissions de gaz à effet de serre par substitution de l’utilisation des énergies fossiles ;
  • Un traitement possible des déchets organiques graisseux ou très humides, non compostables en l'état ;
  • Une limitation des émissions d’odeurs du fait de digesteur hermétique et de bâtiment clos équipé de traitement d’air.

Quels sont les inconvénients de la méthanisation ?

Le choix de la méthanisation nécessite l'attention des points suivants :

  • Les déchets entrants doivent être disponibles sur la durée afin de créer une filière rentable et pérenne ;
  • La valorisation énergétique possible du biogaz doit être utilisée préférentiellement sur site, en local, en cas de cogénération. En effet, l'injection dans le réseau de gaz naturel peut être compliquée ou impossible ;
  • L’incinération et/ou le stockage des déchets non dangereux pour les fractions de déchets non organiques ne pouvant pas être méthanisées doit être pris en compte ;
  • Le compostage pour traiter les déchets ligneux mal adaptés à la méthanisation doit être envisagé, ainsi que la mise en place d’un traitement des excédents hydriques du process pour les grosses installations ;
  • L'utilisation du digestat peut conduire à une réelle substitution énergétique et à une valorisation agronomique.